Entendre et lire qu’une femme prostituée a été agressé et
retrouvé dans un boisé à Hochelaga, ça m’a ébranlé. C’est normal j’imagine, puisque j’étais
prostitué il y a un peu moins d’un an et que j’ai été sauvagement agressé il y
a moins de deux ans. Ça me rappel des
souvenirs, ça me fait revoir des images, ça me donne mal au cœur, au corps et à
l’âme. J’ai l’impression de revivre ma
propre agression quand j’entends parler d’une violence qui s’y apparente,
surtout que la page n’est pas encore tournée, puisque je dois encore me battre
auprès de l’IVAC…
C’est sans doute pour ça que j’ai eu envie d’écrire à la
femme, parce que ça m’ébranle tout ça, mais pour écrire quoi?
Tiens bon?
Je sais qu’après, j’ai eu cet instinct de faire comme si
tout allais bien, même si c’était faux et que je n’allais pas bien, pas du tout.
Il semblerait que c’est normal de faire
comme si ça allait. Toute réaction, même
la plus incongrue, est normale suite à un événement ou on a craint pour sa vie.
C’est l’agression, et l’agresseur qui ne sont pas normaux…
Faire comme si tout allait bien et ne rien ressentir, c’est
normal, mais après quelques semaines, personnellement, j’ai ressenti à nouveau
toute la peur, toute la détresse, toute l’impuissance, toute l’horreur qui m’a
traversé pendant mon agression. Et j’ai
essayé de continuer quand même, parce qu’il faut bien survivre… Et j’ai cherché
de l’aide en continuant de survivre mais ça a été difficile d’en trouver…
Entre les personnes qui m’ont offert une forme quelconque d’aide,
bien peu me laissent l’impression d’avoir voulu m’aider vraiment, la plupart me
semblent davantage avoir tenté d’en profiter.
Il a été difficile aussi de trouver des gens qui semblaient me
comprendre, mais c’est normal aussi, comment comprendre quelque chose qu’on n’a
pas vécu?
C’est peut-être pour ça que j’ai eu envie d’écrire à cette
femme. Pour lui faire savoir qu’on est
nombreuses à la comprendre et à la soutenir, même juste en pensé… Parce que je
me souviens comment il m’a été ardu et pénible de trouver le soutien dont j’avais
besoin…
Me faire dire ‘’c’est les risques du métier’’, ‘’c’est pas
pour tous le monde ce travail’’, ‘’reviens-en’’ ou ‘’sois à moi et tu vas être
en sécurité’’ par des gens à qui ma prostitution profitait, ça ne m’a pas aidé à me remettre de mon agression… Ça m’a donné l’impression que je la méritais parfois,
ou que ma détresse n’était pas justifiée d’autres fois. Je me suis sentie coupable de ne pouvoir identifier
mon agresseur pour l’éviter à d’autre, responsable de l’agression qu’il m’avait
fait subir, obligé de me soustraire aux exigences d’autres personnes, ou à des
violences différentes, pour avoir l’illusion d’être en sécurité… J’étais traumatisée, perdue, complètement
dévasté, et c’est normal, je le sais maintenant.
Je ne me souviens pas des mois qui ont suivis mon agression,
ou si peu... Mes souvenirs sont
flous. Je n’en retiens que l’horreur des
sentiments et l’étendue incroyable de la peur qui m’a submergé pendant les
longues minutes ou j’ai pensé ma dernière heure venue.
Je ne me souviens pas non plus exactement du moment où j’ai
commencé à respirer un peu, après ce qui m’a semblé être une éternité, mais je
sais qu’il a fallut que je cesse d’être prostituée pour le faire, et que ça a
été difficile ne plus l’être malgré toute la volonté que j’y mettais.
Je sais que c’est le CALACS et La C.L .E.S qui m’ont le plus
soutenue en fait d’organismes, et que d’y rencontrer des femmes qui avaient elles aussi vécues de la prostitution et de la violence, ou qui la dénonçait au lieu de la banaliser, ça m’a transformé et
sans doute sauvé la vie.
Grâce aux femmes que j’y ai rencontré et à de nombreux
échanges et témoignages, je ne me sens plus responsable de ce qui m’est arrivé,
j’arrive à sortir de chez moi sans être terrifié et je vais de mieux en mieux,
lentement, mais surement. J’arrive
presque à m’aimer et avoir confiance en moi, alors que je croyais ne plus
jamais y arriver.
C’est pour ça que je souhaitais écrire à cette femme peut-être,
parce que c’est les témoignages et l’écoute d’autres survivantes qui m’ont aidé
à survivre et que je sais à quel point la survie devient difficile après une
telle agression et dans un tel contexte. Je voulais qu’elle sache que c’est
possible de se remettre d'une telle violence, que du soutient existe, qu’elle peut y arriver aussi, mais surtout, qu’elle
mérite d’être aidé et de ne plus subir de violence, jamais, sous aucune forme et sous aucun prétexte.
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Tant que nous traiterons les prostituées comme des êtres de seconde zone.... Elles seront des aubaines offertes en pâturage aux hommes malades qui se vengent sur des femmes vulnérables et fragiles...
RépondreEffacerLes femmes en général sont déjà, selon moi, traités comme étant inférieures aux hommes. Les femmes prostituées quand à elles, sont perçues par plusieurs comme étant des sous-femmes, donc non seulement elles sont exploitées par des hommes, malades ou non mais toujours irrespectueux au fond, mais aussi par d'autres femmes qui font du profit sur leur dos, de diverses façons, y compris en disant vouloir les aider. C'est difficile pour une femme en situation de prostitution de distinguer les personnes qui veulent vraiment les aider de celles qui veulent en profiter.
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